samedi 16 février 2013

Crise et déchirements au sein de la FECQ


Si le mouvement étudiant semblait unifié durant la grève étudiante de 2012, chacune des forces qui le composent a depuis repris sa position au sein du mouvement, et les luttes qui opposent les différentes forces étudiantes sont plus féroces que jamais. La vague massive de désaffiliations qui secoue la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) depuis la grève de 2005 est le résultat d'une de ces luttes.

La FECQ, décriée de tous bords, connait en effet une crise sans précédent, et les désaffiliations en masse qu'elle connait depuis sept ans s'expliquent par sa faible culture démocratique, son manque de transparence et, depuis deux ans, par ses piètres performances financières.

Grève de 2005 : la fin d'une crise, le début d'une autre


En 2005, pour contrer la conversion de 103 millions de dollars de bourses étudiantes en prêts, décrétée par le gouvernement libéral de l'époque, le mouvement étudiant entre en grève générale illimitée et prend la rue. Après l'entrée en grève, à partir du 21 février, de 50 000 étudiants, majoritairement membres de la CASSÉÉ (Coalition de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante élargie), la FECQ appelle officiellement ses 60 000 membres à débrayer, le 3 mars.

Le 2 avril est signée une entente de principe entre les fédérations et le gouvernement. La CASSÉÉ, alors, n'avait pas été invitée aux négociations, alors qu'elle représentait plusieurs dizaines de milliers d'étudiants(1).

C'est à partir de cette grève que la grogne des étudiants envers les fédérations prit de l'ampleur : que les fédérations négocient sans la CASSÉÉ et acceptent une entente de principe jugée nulle a choqué plus d'une association étudiante.

Déni de la démocratie étudiante


La prise de décision, au sein de la FECQ, se fait dans un déni de la démocratie directe insultant. En effet, la fédération, à plusieurs reprises dans le passé, s'est positionnée sur certains enjeux sans demander l'avis de associations membres. Ainsi, les fédérations étudiantes, lors de la grève de 2012, n'eurent aucun mal à dénoncer rapidement la violence, sans consulter leurs membres sur la question(1).

Le déni de la démocratie et le refus de faire participer ses membres à tout débat apparaît aussi dans la position que la FECQ compte défendre au Sommet sur l'enseignement supérieur. En effet, la FECQ, au Sommet, compte défendre un gel des frais de scolarité dans une perspective de gratuité scolaire. Il ne sera pas question, ici, de discuter du mandat, mais de l'adoption du mandat.

En date du 13 décembre 2012, on lisait dans le Journal Métro que la FECQ « estime qu’il faut maintenir le gel des droits de scolarité »(2). Le 9 février 2013, le Devoir citait Mme Éliane Laberge, présidente de la FECQ, qui affirmait d'abord que « l’accessibilité économique et géographique aux études, c’est une priorité et ça passe d’abord par le gel des droits de scolarité », pour rajouter que « dans le cadre du sommet, c’est la première position que nous allons mettre de l’avant »(3).

Or, au regard du calendrier de la FECQ, la fédération tenait ses 
67e, 68e et 69congrès ordinaires aux dates respectives suivantes :
- 17 au 19 août 2012;
- 9 au 11 novembre 2012;
- 18 au 20 janvier 2013.

Un simple regard porté sur les dates exposées démontre que le mandat de gel des frais de scolarité fut probablement adopté au 68e congrès ordinaire : le 67e congrès avait lieu avant l'élection du gouvernement péquiste (élu le 4 septembre 2012); le 69congrès, tenu en janvier, est venu après l'annonce faite dans le journal Métro, datée le 13 décembre 2012 et mentionnée plus haut. Ainsi, la FECQ aurait adopté la résolution lui dictant ses actions au sommet sur l'enseignement supérieur les 9, 10 et 11 novembre 2012, soit bien avant que les associations étudiantes membres de la fédération n'aient eu le temps de prendre position, en assemblée générale, pour ensuite amener leurs mandats au congrès de la FECQ. Rappelons que le quart des membres de la fédération n'ont repris les cours qu'à la mi-octobre : les étudiants des collèges de Rosemont, Ahuntsic et Édouard-Montpetit, pour un total d'environ 20 000 étudiants(4) - la FECQ compte environ 80 000 étudiants(5). Or, le scrutin semi-proportionnel de la FECQ prévoit que les grosses associations étudiantes ont droit à davantage de votes que les petites, le nombre de votes par association variant entre 3 et 9, inclusivement(6).

Ainsi, la FECQ aurait pris position par rapport au Sommet sans donner le temps au cinquième de ses étudiants de se positionner (l'Association générale des étudiants du collège de Rosemont avait réussi à suivre le rythme effréné, tenant une assemblée générale de budget avec un point Sommet à l'ordre du jour, le 7 novembre 2012). D'ailleurs, notons que le retard de ces 20 000 étudiants est dû à la grève étudiante, qui avait été encouragée par la FECQ(1). C'est donc dire que la FECQ n'a su attendre les mandats du quart de ses membres ayant répondu à son appel de grève.

Gagnons en précision : l'AGÉCA (l'Association générale des étudiants de collège Ahuntsic) n'a pris position par rapport au sommet que le 13 février 2013; l'AGECEM (l'Association générale des étudiant du collège Édouard-Montpetit) n'a, quant à elle, toujours pas pris position. Serait-ce dire, alors, que les voix des 15 000 à 16 000 étudiants membres de l'AGÉCA et de l'AGECEM sont sans valeur aux yeux de la FECQ ?

Transparence, censure et confidentialité


Notre incapacité à déterminer avec exactitude et sans besoin d'analyse la date d'adoption du mandat de gel des frais de scolarité dans une perspective de gratuité scolaire de la part de la FECQ n'est pas sans raison : les procès-verbaux des congrès ordinaires de la fédération sont réservés aux membres. Sur le site web de la FECQ, de simples abrégés des procès verbaux, presque totalement vidés de leurs informations pertinentes, sont disponibles(7). Or, les démarches administratives menant à l'obtention des procès verbaux par les membres sont longues, voire vaines. D'ailleurs, comme l'affirment les 29 signataires d'une lettre ouverte rédigée par des exécutants d'associations étudiantes membres de la FECQ, « les procès verbaux des instances relatant les décisions prises par la fédération ne sont pas publiés depuis novembre 2011, malgré le fait qu'une résolution ait été adoptée pour qu'ils soient publiés »(8).

De plus, tel qu'affirmé par Mme Éliane Laberge, présidente de la FECQ, « les états financiers et les plans de campagne [de la FECQ sont] confidentiels »(9).

Concernant les états financiers, les signataires de la lettre ouverte dénoncent la nébulosité des documents financiers. Ainsi, affirment-ils, « les délégués des associations membres doivent approuver des budgets auxquels ils ne comprennent souvent rien »(8). Ajoutons à ce flagrant manque de clarté la confidentialité des rapports financiers, qui est une aberration en soi : comment les étudiants membres de la FECQ peuvent-ils porter un regard sur l'usage de leurs cotisations étudiantes, alors que les rapports financiers sont confidentiels ? Bref, le contrôle qu'ont les étudiants membres sur le budget de la fédération est réduit à presque rien. Ainsi, la fédération orchestre une déresponsabilisation programmée de sa communauté étudiante, en remettant son contrôle entre les mains de son élite dirigeante.


La FECQ : une machine à images plongée dans le corporatisme


Malgré la confidentialité des rapports financiers de la fédération, le rapport financier daté du 31 mai 2012, contenant les données des années 2011 et 2012, a été, après de longues et fastidieuses recherches, trouvé et analysé. Il ressort, de ce rapport financier, deux particularités aberrantes :
1. La FECQ a connut, sur le plan budgétaire, un déficit de plusieurs milliers de dollars pour les deux dernières années au moins (voir Graphique 1);
2. La FECQ dépense davantage d'argent dans ses relations et interventions publiques que dans le support aux associations étudiantes (voir Graphique 2).



Le Graphique 1 parlant de lui-même, ne nous y attardons pas et analysons en profondeur les données du Graphique 2. En 2011, année relativement calme pour le mouvement étudiant, année ou le mouvement ne connut point de grève ni de troubles politiques, la FECQ dépensa 63 254 $ en relations et interventions publiques. En comparaison, seuls 43 046 $ ont été alloués au support aux associations.

En 2012, les dépenses allouées aux relations et interventions publiques se chiffraient à 152 562 $, alors que celles allouées au support aux associations n'étaient que de 70 838 $(10). Certes, l'année 2012, année de lutte et de grève, a été une année où le besoin de paraître publiquement était énorme. Néanmoins, les dépenses de la FECQ dans les relations et interventions publiques n'en restent pas moins démesurées. En comparaison, la CLASSE (Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante), fortement plus présente, active et militante durant la grève(1), n'aura dépensé, en communications, que 22 469,03 $ pour l'année 2011-2012(11). Notons que la section Communications du rapport financier de la CLASSE regroupe les télécommunications, les conférences de presse, le CNW, le Courrier et le site Internet, et que la FECQ, en télécommunications seulement, a dépensé, en 2012, 20 849 $. Une autre section du rapport financier de la CLASSE, comparable à la section Interventions publiques du rapport financier de la FECQ, s'intitule Tournées et représentation. Dans cette section, 54 845,07 $ furent dépensés. La somme des deux montants cités de la CLASSE est donc de 77 314,10 $(11). Pour la FECQ, la somme des dépenses allouées aux relations et interventions publiques ainsi qu'aux télécommunications pour l'année 2012 est de 173 411 $(10). Le Graphique 3 illustre ces données.



À la lumière de ces chiffres, il apparaît clairement que la FECQ alloue des sommes gargantuesques à son image publique. Une telle obsession pour l'image publique transforme la FECQ en un syndicat corporatiste, faible lutteur et peu combatif. Pourquoi donc être représenté par une association étudiante nationale, si celle-ci accorde plus d'importance à son image publique qu'à ses associations étudiantes membres ?

Cotisations étudiantes - payer pour quoi ?


Présentement, la cotisation étudiante annuelle réclamée par la FECQ est de 5 $. La fédération songe faire doubler cette cotisation, qui deviendrait, si la hausse est adoptée par une majorité d'associations étudiantes selon le vote de double-majorité, 10 $(12). Ainsi, les membres de la FECQ dépensent de l'argent pour être représentés par la fédération et pour en recevoir des services. Or, la fédération, tel que démontré plus haut, représente mal ses membres puisque sont fonctionnement constitue, en soi, un déni de la démocratie étudiante. De plus, les sommes allouées au support aux associations est bien plus petit que la somme des cotisations étudiantes annuelles. 

En effet, la FECQ, en 2012, recueillait de ses membres 237 192 $. Cette même année, elle ne dépensait, en support aux associations, que 70 383 $. En 2011, la sommes des cotisations étudiantes s'élevait à 212 747 $, tandis que les sommes allouées au support aux associations ne se chiffraient qu'à 43 046 $ (voir Graphique 4). Un simple calcul démontre le fait suivant : en 2011, un étudiant investissait 5 $ dans la FECQ pour ne recevoir, en services et en moyenne, qu'environ 0,54 $, soit 10,8 % de sa cotisation; en 2012, l'étudiant ne recevait que 0,88 $, soit 17,6 % de sa cotisation(10), tel que l'illustre le Graphique 5. Ce calcul a été effectué par la division de la somme allouée au support aux associations étudiantes par le nombre approximatif d'étudiants membres de la FECQ, soit 80 000(5).













Bref, la FECQ, qui songe à doubler ses cotisations annuelles, demande à ses membres de payer pour des services qu'ils ne reçoivent que partiellement et pour une représentation politique faible et corporatiste. Pour rajouter l'injure à la farce, « la présidente de [la] FECQ assure que l'augmentation proposée n'a aucun lien avec les coûts de la grève ou avec la situation financière de l'association »(12). La FECQ se moquerait-elle de ses propres membres, voulant leur faire croire que la hausse de la cotisation n'a rien à voir avec les déficits budgétaires qui se cumulent en son sein depuis deux années consécutives (voir Graphique 1) ?

Perspectives d'avenir du mouvement étudiant collégial


Le fonctionnement peu démocratique de la FECQ, ajouté à son manque de transparence et à ses piètres performances budgétaires, gangrènent la fédération et poussent de nombreuses associations étudiantes collégiales à quitter son sein et à opter pour l'indépendance, sinon pour une affiliation à l'ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante). Trois directions sont proposées ici pour une association étudiante collégiale nouvellement désaffiliée.

1. L'indépendance. Une association étudiante peut opter pour l'indépendance. L'indépendance est bénéfique en ce sens que la totalité des cotisations investies par les étudiants retourne en services aux membres. Aussi, l'association étudiante se représente elle-même aux instances supérieures de pouvoir et décide elle-même des orientations qu'elle désire prendre et des positions qu'elle défend selon les enjeux du moment. Certes, l'association indépendante n'est pas unie à un groupe énorme d'étudiants, ce qui réduit son rapport de force. Néanmoins, en temps de crise étudiante, l'association indépendante peut former une coalition temporaire avec d'autres associations indépendantes - la CASSÉÉ et la CLASSE sont des exemples de coalitions temporaires, nées d'une grève et dissoutes une fois grève terminée. Ainsi, le rapport de force est établi lorsque nécessaire, et l'association préserve son entière autonomie dans les moments calmes du mouvement étudiant.

2. L'ASSÉ. Une autre alternative envisageable est une affiliation à l'ASSÉ. L'ASSÉ est une association étudiante nationale qui fonctionne selon des principes de démocratie directe et de combativité syndicale prononcés et marqués. Elle prône la combativité syndicale, la gratuité scolaire, et est écologiste, féministe, de gauche, démocratique et quasi-libertaire(13).

3. Une nouvelle fédération collégiale. Cette dernière perspective est rarement mentionnée, malgré son originalité. Grosso modo, il s'agit de bâtir, sur les ruines de la FECQ, une nouvelles association étudiante nationale et exclusivement collégiale ayant pour assises une charte plus démocratique et plus transparente. La démocratie directe serait au centre de cette charte, ainsi que la non-confidentialité des décisions et la participation démocratique des membres dans les décisions de la fédération, selon les règles du débat. Cette nouvelle fédération aurait les avantages de la FECQ détruite - l'union de dizaines de milliers d'étudiants collégiaux - sans ses innombrables vices et défauts.

Loin de moi l'idée de désigner une route à suivre pour les associations étudiantes nouvelles désaffiliées. Néanmoins, un fait est indéniable : la Fédération étudiante collégiale du Québec ne mérite pas ses membres, et ses membres méritent bien mieux qu'elle.


Bibliographie


1 - Marc-André Cyr. « Grève étudiante : la tragédie, la farce et la FEUQ » [en ligne], Voir, Montréal, 7 mars 2012, adresse URL: bit.ly/yYLOVZ.

2 - S.A., « La FECQ prône le maintient du gel des droits de scolarité » [en ligne], Métro, Montréal, 13 décembre 2012, adresse URL: bit.ly/12w9Qwz.

3 - Émilie Corriveau. « Revendications au sommet - les étudiants visent le gel des droits de scolarité » [en ligne], Le Devoir, Montréal, 9 février 2013, adresse URL: bit.ly/Vduddr.

4 - S.A., Bloquons la hausse, (page consultée le 17 février 2013), Liste des mandats de grève générale illimitée [en ligne], adresse URL: http://bit.ly/YfMGD8.

5 - S.A., FECQ, (page consultée le 17 février 2013), Accueil [en ligne], adresse URL: fecq.org.

6 - S.A., FECQ, (page consultée le 17 février 2013), Structure [en ligne], adresse URL: http://fecq.org/Structure.

7 - S.A., FECQ, (page consultée le 17 février 2013), Procès verbaux 2011 [en ligne], adresse URL: http://fecq.org/Proces-Verbaux-2011.

8 - Christopher Bacon et. al., Une fédération gangrenée [en ligne], adresse URL:  http://fr.scribd.com/doc/114292719/Lettre-ouverte.

9 - Lisa-Marie Gervais. « Vague de désaffiliation à la FECQ » [en ligne], Le Devoir, Montréal, 24 novembre 2012, adresse URL: http://bit.ly/UYWmkm.

10 - Fédération étudiante collégiale du Québec (F.E.C.Q.), Rapport financier, 31 mai 2012.

11 - ASSÉ (CLASSE) - État des résultats année financière 2011-2012.

12 - Philippe Teisceira-Lessard. « La FECQ veut doubler ses cotisations » [en ligne], La Presse, Montréal, 21 novembre 2012, adresse URL: http://bit.ly/UYWmkm.

13 - S.A., ASSÉ, (page consultée le 17 février 2013), Présentation [en ligne], adresse URL: http://www.asse-solidarite.qc.ca/asse/presentation/.

mardi 5 février 2013

Écologie politique - partie 2

Écologisme urbain


La Révolution industrielle provoqua la rupture historique entre l'Homme et la nature : le développement rapide du milieu urbain, ainsi que tous les avantages qu'offrait - et qu'offre encore - ce milieu, ont engendré l'exode rural qui affecta profondément les sociétés occidentales, qui passaient alors d'une économie rurale et autarcique à une économie capitaliste caractérisée par l'interdépendance et la spécialisation des citoyens.

Cet exode urbain accentua l'effet de gouffre subsistant entre les milieux urbain et rural. Ainsi, la ville et la campagne, considérées diamétralement opposées, ne sauraient désormais plus être confondues. Or, le dépassement de la crise écologique demande sans équivoque le dépassement de cette opposition entre urbanisme et ruralité. La ville de demain, celle qui saura offrir à l'humanité tous les avantages de la vie urbaine tout en lui assurant un avenir sain et viable, est une ville où se côtoient les activités rurales et urbaines et où les espaces et les distances sont réduits et amoindris.

Autonomie alimentaire et agriculture urbaine


La ville écologique est d'abord une ville qui permet à ses citoyens de subvenir à leurs besoins primaires sans passer par les échanges nationaux et internationaux. L'autonomie alimentaire, au sein de la ville écologique, se définirait donc comme la capacité des différentes communautés (ou collectivités) habitant la ville de gérer par eux-mêmes leur alimentation (en partie ou totalement).

Il s'agit, pour ce faire, d'encourager l'agriculture urbaine, c'est-à-dire l'essor et le développement de milieu propices à l'agriculture et à l'élevage, mais ce au milieu des centres urbains.

Cependant, l'autonomie alimentaire de centaines de milliers de concitoyens est une tâche qui, d'un point de vue logistique, parait trop lourde pour être réalisable. Ainsi, l'atteinte de l'autonomie alimentaire demande la division du territoire municipal en petits territoires collectifs, regroupant chacun quelques centaines d'individus - séparer la ville selon ses quartiers résidentiels est un moyen potentiel. 

Chaque collectivité aurait donc des espaces d'agriculture et d'élevage, et ces espaces seraient gérés de manière collective et sécurisés de manière collective. Ainsi, les milieux urbains sauraient subvenir davantage à leurs besoins primaires nutritionnels. De ce fait, la pollution liée au transport des aliments à l'échelle nationale et internationale diminuerait, et la ville urbaine développerait en son sein un milieu rural propre, écologique et naturel. La ville verte s'installe donc.

D'ailleurs, l'autonomie alimentaire conscientise le citoyen sur sa consommation, et de ce fait diminue drastiquement le gaspillage inconscient et la surconsommation malsaine. Néanmoins, que l'on se comprenne bien : il ne s'agit pas ici d'introduire dans la ville un milieu rural entier, et de transformer les citadins en agriculteurs; simplement de diminuer la dépendance de la ville envers la campagne. Il est admis que les citadins ne peuvent entièrement subvenir à leurs besoins de façon autonome, vu leur grand nombre et le manque de temps pour le travail de la terre : il n'est cependant pas admis que le milieu urbain doit totalement dépendre du milieu rural et de l'industrie agro-alimentaire pour vivre. L'industrie agro-alimentaire doit donc être décentralisée vers les collectivités, qui assureront, selon des principes démocratiques d'autogestion, son développement et sa production alimentaire.

Ajoutons que l'autonomie alimentaire s'effectue également à l'échelle familiale : serait donc encouragé le développement du potager familial, qui accorde à la famille une certaine autonomie dans sa consommation de fruits et de légumes.

Aménagement urbain


Un autre facteur de pollution né de la nature même de nos villes est l’aménagement urbain. Dans une ville éclatée, grande et distante, l'usage de l'automobile est nécessaire pour la majorité des citoyens. Or, il est inadmissible que l'humain dépende d'un objet qui met en jeu sa survie même. Ainsi, la ville écologique se doit de permettre à ses habitants de vivre en son sein sans que l'usage de la voiture ne soit nécessaire. Autrement dit, la ville écologique est petite. Par petite, nous n'entendons pas de petite superficie, mais de petites distances : les points centraux de la ville verte - autrement dit : l'épicerie, l'école, le travail et les lieux de loisirs - doivent être tant rapprochés que l'usage de la voiture devient désuet, vu les distances minimales. La ville écologique est donc aménagée selon une tout autre dynamique : elle n'est plus le reflet d'une humanité qui ne connait point de limites, mais reflète plutôt la finitude de la nature et les limites qu'impose ladite nature à l'humanité.

Ceci dit, il va de soi que l'usage du transport rapide offre trop d'avantages pour être mis entièrement de côté. Pour concilier, donc, les grandes distances, la rapidité et la protection de l'environnement, la ville verte encourage fortement l'usage de moyens de transports alternatifs. Ainsi, un véritable réseau de pistes cyclables, d'autobus électriques, de tramways, de métros et de trains électriques doit être mis en place. La gratuité de tous ces transports est également nécessaire. Ainsi, l'Homme ne considérerait plus le transport comme une consommation, un bien commercialisable, mais comme un droit autant qu'un devoir : une droit fondamental de circulation; un devoir de responsabilité dans sa circulation envers l'humanité entière et la nature.

Autrement dit, le réseau des transports en communs doit être perfectionné, diversifié et gratuit de façon à ce que le transport ne soit plus une question individuelle, réduite au citoyen et à sa voiture, mais devienne une question sociale, ainsi qu'une propriété collective, un bien commun parfaitement abordable.

L'État : frein au développement écologique de la ville verte


En résumé, la ville écologique est une ville : qui permet à ses citadins de concilier urbanisme et ruralité, menant la communauté urbaine à davantage d'autonomie alimentaire; qui est réduite en distances, ne rendant plus nécessaire l'usage des transports rapides; qui offre un réseau cohérent, solide et abordable de transports en commun verts et gratuits.

Néanmoins, les principes d'autogestion qui s'y accordent se heurtent aux fondements même de la théorie de l'État, de la démocratie représentative et du capitalisme. L'économie capitaliste, basée sur les échanges de biens commercialisables et sur la perpétuation du principe de gouvernance entre le chef d'entreprise et les ouvriers, ne survit point à un système décentralisé, anticonsumériste et convivial. L'État, pour sa part, est de nature centralisée; or, la ville verte en est une qui offre une multitude de pouvoirs aux citoyens. D'abord pour défendre l'économie qui le soutient, ensuite pour défendre ses pouvoirs, l'État sera un frein au développement de cette ville verte. Finalement, la démocratie représentative, qui est au 
cœur même de l'État, est née du désir de la société de séparer la question politique de la question sociale pour se concentrer sur sa condition sociale sans se soucier de son rôle politique. 

Les fondateurs et les penseurs de la démocratie représentative rêvaient d'un système où le citoyen n'aurait point à se préoccuper de la question politique. Dans ce système, l'État devait être impartial et garantir une liberté à tous : celle de participer à la vie économique, de consommer, de vendre et d'acheter, bref de s'émanciper en tant que citoyen, selon la définition capitaliste de l'émancipation citoyenne. Or, la résolution de la crise écologique ne peut être réalisée sans la naissance d'un débat citoyen collectif et sans la prise en charge collective de notre avenir. Exit, donc, les élus qui parlent en notre nom et qui nous représentent dans le phénomène politique. Un dépassement de la société étatique et capitaliste est donc nécessaire à la résolution de la crise écologique et, parallèlement, à la survie de l'humanité toute entière.