mercredi 21 août 2013

Pistes de réflexion contre l'ignoble charte

L'ignoble Charte


Il y a une différence entre pratiquer une religion et porter un symbole religieux. L'État doit être laïc, pas le peuple : l’hypocrisie  dudit État, qui affirme honteusement que ses travailleurs le représentent, est d'ailleurs maximale, considérant que l'État est loin d'être le peuple et de le servir.

Le cas de la femme musulmane voilée


Cette loi, de plus, prive la femme musulmane voilée de bien d'emplois. Or, la femme ne s'émancipe que dans la production sociale ou économique - cela est d'autant plus vrai dans le capitalisme. Si on vise une égalité entre hommes et femmes, on prive la femme musulmane voilée de cette égalité en la rejetant de la fonction publique, des écoles, des hôpitaux. Ce faisant, soit on l'aliène à sa famille et à son mari, desquels elle dépend, étant pauvre, étant chômeuse, soit on l’encourage à chercher un travail ailleurs : au mieux, là où la fonction publique est privatisée; au pire, au bas de l’échelle sociale, au salaire minimum au sein d’une entreprise. Ainsi, cette charte révèle deux ignobles aspects : d’abord, elle est fondamentalement sexiste; ensuite, elle encourage la privatisation des services publics. Le résultat de cette privatisation est d’autant plus grave que la femme voilée se dirigera probablement, pour fuir la xénophobie, vers une école confessionnelle, donc vers la ghettoïsation, vers l’exclusion sociale, jetant dans l’abîme toute chance d’intégration sociale. Notons qu'il n'est pas facile pour une femme voilée de simplement retirer son voile. Parfois, il s'agit de contraintes familiales qui l'obligent à le porter; parfois, c'est le dogmatisme religieux qui ne s'efface pas - et le dogmatisme est une plaie mortelle dont on ne guérit pas en un instant. Parfois aussi, le port du voile n'est qu'un choix.

Ghettoïsation des minorités ethniques


Aussi, sur le plan de l’intégration des minorités ethniques, cette charte est un poison mortel. Les croyants issus des minorités ethniques, plutôt que de désirer s’intégrer à la société québécoise (car ce désir s’apprend après l’immigration, non pas avant), risquent fort de se replier sur eux-mêmes, se sentant, par une telle charte, attaqués et exclus de la société, pointés du doigt car différents. Tant sur le plan pratique que théorique, l’immigrant sera exclu ou cherchera à s’exclure. Son exclusion l’entrainera dans des institutions privées, telles des écoles musulmanes ou juives, des hôpitaux privés, des garderies confessionnelles, etc. Cette charte, plutôt que d’encourager l’intégration des minorités ethniques, provoque leur ghettoïsation et encourage la privatisation confessionnelle des institutions québécoises publiques et laïques. Par exemple, l’enseignante voilée, plutôt que de retirer son voile ira enseigner dans une école musulmane. Le cas s’applique également à un juif portant la kippa.

Le nationalisme, cette fiction bourgeoise


En ce qui a trait à la laïcité, elle est ici poussée à outrance et comporte des dérives parfaitement fascistes. Il y a le « nous » : Québécois de souche, laïcs et majoritairement athées; le « eux » : minorités ethniques fortement religieuses. En divisant le peuple québécois selon son appartenance ethnique, on divise mieux encore les classes populaires et prolétaires dans une optique de contrôle des masses. En gros : diviser le peuple pour mieux régner. En portant à outrance cette glorification de la nation québécoise, on atteint un des critères fondamentaux de la pensée fasciste : le nationalisme.

Sur le nationalisme, rappelons que les pays sont une fiction qui n'existe que dans l'imaginaire : un pays n’existe que si, collectivement, de gré ou de force, on reconnait qu'il y a ici, dans ces frontières, ledit pays. Matériellement, il n'y a pas de frontières ni de pays : que le peuple et sa terre. Le terme de nation, apparu avec la Révolution industrielle, est une fabulation bourgeoise voulant contrer l'internationalisme prolétaire. La nation donne l'illusion que les prolétaires de tel pays ont mieux à faire avec leur bourgeoisie nationale qui les appauvrit et leur État qui les domine, qu'avec les prolétaires des pays voisins. À l’inverse, les classes dirigeantes et bourgeoises ignorent complètement les frontières : les Américains et les Arabes commercent ensemble, les Israéliens et les Arabes également, tout comme le monde capitaliste avec la Chine, les États-Unis avec la Russie, etc. Le nationalisme est donc une vulgaire fiction bourgeoise pour asservir le peuple, et la glorification de la nation québécoise et des valeurs québécoises via la charte péquiste est une énième stratégie bourgeoise et étatiste pour diviser les masses.

« En France, c'est en 89 que l'idée de la Patrie - avec celle de la loi - se révéla dans toute sa puissance. Ce fut l'idée géniale de la bourgeoisie, de substituer l'autorité de la nation à celle du droit divin, de la faire envisager aux travailleurs comme une synthèse de tous les droits et de les amener à défendre le nouvel ordre de choses, en leur donnant la croyance qu'ils luttaient pour la défense de leurs propres droits ! »

Jean Grave, dans La société mourante et l'anarchie, 1892, accuse la bourgeoisie d’avoir profité de la Révolution française pour évincer la noblesse et prendre le pouvoir. Cette noblesse, affirme-t-il, se proclamait du droit divin, c’est-à-dire qu’elle légitimait son autorité sur le peuple par une fictive volonté divine. Donc, la bourgeoisie, en détrônant la noblesse,  dut remplacer le droit divin, qui maintenait les masses sous le joug des dirigeants, par un nouveau droit : celui de la nation, qui faisait des riches et des pauvres, des opprimés et des oppresseurs, une même famille, et qui divisait en différentes familles les pauvres de différents pays, les opprimés de différents pays. Ainsi, la bourgeoisie nouvellement dirigeante fut apte à légitimer son pouvoir : c’est par elle, et par l’unité nationale la reliant aux travailleurs, que la nation est défendue et protégée.

Le travailleur n'est pas l'État


Les radicaux laïcs affirment que le travailleur ou la travailleuse de la fonction publique représente l’État. Ainsi, l’État étant laïc, ses représentants se doivent de l’être également. Or, un regard critique sur la situation politique montre que rien n’est plus faux. Pour qu’un être représente l’État, il doit avoir sur lui un certain pouvoir, en faire partie. Néanmoins, la classe prolétaire et la classe moyenne n’ont aucun pouvoir politique, outre un vote tous les quatre ans. L’État applique sinon ses lois, décidées par 125 élus, pantins de la grande bourgeoisie. Cette dernière, et sa classe politique, sont les seules représentantes de l’État, puisqu’elles ont pouvoir sur lui.

Laïcité ouverte


Finalement, cette charte s'oppose à la laïcité, qui impose au gouvernement une non-intervention dans la vie religieuse des citoyens. Or, empêcher le port d'un symbole religieux par un-e travailleur-se est une intrusion étatique dans la vie religieuse et, pire encore, une limitation de l'expression de l'individualité de chacun. Ainsi, la laïcité ouverte s'oppose à cette charte, qui bafoue les libertés religieuses des citoyens en imposant l'anti-religion de l'État, la laïcité, qui prend elle-même les formes d'une religion d'État, imposée à tous au mépris des libertés individuelles et collectives. Néanmoins, nos adversaires affirmeront que le travailleur de la fonction publique, contrairement aux autres travailleurs, ne doit pas exprimer publiquement ses appartenances religieuses par souci de neutralité de l'État. Or, affirmer cela revient à affirmer que le travailleur de la fonction publique n'a pas les mêmes droits fondamentaux que le citoyen ordinaire; qu'il est légitime de bafouer les libertés des travailleurs de la fonction publique au nom de la neutralité de l'État; bref, qu'un travailleur de la fonction publique n'est pas considéré comme les autres citoyens et qu'il doit subir, lui, un traitement spécial et liberticide.

L'État doit être laïc, pas le peuple : et la démocratie représentative, dictature déguisée, ne fait pas du peuple l'État. Dire aux travailleurs-ses qu'ils-elles représentent l'État est d'une intense hypocrisie. Si je représentais l'État, j'aurais droit de regard et de décision sur les lois et sur les traités qui me concernent. Or, ce droit de regard et de décision n'est accordé qu'à une poignée d'élus inutiles financés et dirigés par une grande bourgeoisie capitaliste sans moralité.