lundi 12 octobre 2015

Dans un parc près de chez moi


Dans mon quartier se trouve un parc. Plutôt grand, avec une école primaire, deux espaces de jeux pour enfants, trois terrains de soccer de tailles diverses, des jeux d'eau, des pommiers sauvages, quelques chênes, un mûrier mâle (il ne donne jamais de mûres, je présume donc que c'est un mâle).

Dans ce même parc, près d'une petite colline, se trouvait un petit champ de fleurs. En fait, j'émets l'hypothèse qu'il y avait là du gazon que la Ville ne coupait pas. Quoiqu'il en soit, une grande variété de fleurs sauvages s'y retrouvaient : asclépiade commune, verge d'or, grand liseron, herbe à dinde, plantain majeur, trèfle rouge et même, dans un coin, une colonie de prêles - pour ne nommer que celles-la.

Je ne sais pas comment toutes ces fleurs sont apparues ici. Ont-elles été volontairement plantées ? Leurs graines ont-elles été amenées par les vents ? Dans mes deux précédents billets, il a été question de succession végétale : ces plantes ont peut-être colonisé l'espace abandonné que représentait cette partie du parc, sans que personne ne les y invite.

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Durant le mois de juillet, je visitais parfois cet endroit, guides d'identification de fleurs sauvages en main (les livres du groupe Fleurbec, que je recommande absolument à tout le monde), et j'apprenais à identifier les différentes fleurs sauvages qui poussaient ça et là, dans un désordre total, de manière parfaitement archaïque et sublimement naturelle. La majorité des plantes que j'ai nommées plus haut, je les ai connues dans ce parc.

On retrouverait aussi, associées à ces plantes, de nombreux papillons, des longicornes et autres coléoptères, dont le longicorne de l'asclépiade qui se régalait de l'épaisse feuille de cette plante qui nourrit aussi, entre autres, les larves du monarque, ce papillon en voie d'extinction.

En somme, cet endroit du parc était le plus beau, car de loin le plus vivant.

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Au début du mois d'août, j'ai quitté le pays pour quelques temps. En revenant, j'ai rapidement repris l'école, et je n'ai plus trouvé le temps de visiter le parc. J'y suis retourné aujourd'hui (en date du 12 octobre).

Le parc est un champ de ruines.

Parfaitement rasé. Tondu à sec.

Plus rien, rien d'autre que du gazon.

Pourquoi ? Je l'ignore.

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C'est maintenant l'automne. De nombreuses fleurs vivaces laissent volontairement dépérir leur partie externe et s'endorment sous terre, sous forme de rhizome. Peut-être, me suis-je dit, la Ville voulait éviter aux résident-e-s du quartier le spectacle désolant d'un champ de fleurs à l'allure morte, alors a-t-elle jugé bon de tout raser, pour cacher aux yeux du peuple la réalité du monde et des fleurs qui se laissent un peu mourir pour revivre au printemps suivant.

Peut-être que la Ville a tout simplement décidé de reprendre le contrôle du parc et, pour ce faire, à décidé de déjouer la nature en la rasant.

C'est tout de même un peu triste, d'imaginer les grosses tondeuses écrasant et émiettant des fleurs si douces, si dociles. J'étais un peu triste - mais bon, on a vu pire, et la Nature reprendra ses droits. C'est ce que je me suis dit, pour me réconforter.

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Je n'avais pas tort. Tout près de la colline, des feuilles d'herbe à dinde émergent du sol et le tapissent déjà. Ça et là, des tiges de vesce jargeau jonchent le sol. La Nature reprend ses droits.

Et elle le reprendra tout le temps. Nous pouvons stériliser, raser, brûle, arroser d'herbicides, nous pouvons mettre toute notre énergie à casser la nature, elle reviendra tôt ou tard (tôt, généralement). Alors plutôt que de la combattre, pourquoi ne travaillons-nous pas avec elle, main dans la main ?